C’est une question que l’on me pose régulièrement dans le cadre de recherches généalogiques rassemblées ensuite dans un livre imprimé : que se passe-t-il si une légende familiale s’avère fausse ? Faut-il en parler ? Faut-il mettre cette légende de côté ?

Dans cet article, je vous donne quelques clés pour aborder les légendes familiales et leur transmission !

Qu’est-ce qu’une légende familiale ?

Alors la légende familiale c’est l’histoire parfois exotique que raconte Mamie au moment du dessert lors du repas de famille. Cela peut être les aventures d’un ancêtre au côté de personnages illustres, ou des origines étrangères dont on ne sait plus de quand elles datent, ou encore un événement historique dans lequel un ancêtre a eu un rôle clé.

Généralement, les légendes familiales sont parmi les récits fondateurs dans la construction de l’histoire familiale. Elles se transmettent de génération en génération et contribuent au lien qui se crée entre les membres de la famille. Elles transmettent des valeurs, des traditions : tel ancêtre a fait preuve d’un extraordinaire courage, tel autre avait un mode de vie original… d’où les “dans la famille on ne fait jamais comme les autres !” ou encore “nous sommes des explorateurs, nous avons toujours eu la bougeotte !”.

Les héros et les héroïnes de notre histoire familiale deviennent alors des modèles et des sources d’inspiration qui contribuent à forger notre estime de soi et notre identité.

La légende familiale peut donc être une grande source de fierté et d’excitation, mais aussi une source de déception et de frustration car parfois, avec notre casquette de généalogiste, et au détour de recherches, on se rend compte que la légende familiale s’avère être fausse.

De mon côté, ma légende préférée est que la grand-mère de mon grand-père était anglaise. La famille de mon grand-père vivait à l’anglaise : ils faisaient le tea time, ils importaient leur vaisselle et leurs habits d’Angleterre. Sur les photographies de famille, on trouve qu’ils avaient même le physique anglais, avec leurs petites moustaches blondes et leurs pantalons de golf. Toute la famille se sentait fière de ses racines. Jusqu’à ma mère qui adore l’Angleterre, achète du thé venant de là-bas et prend son petit déjeuner dans des tasses anglaises, et moi-même qui affichait des drapeaux anglais dans ma chambre d’adolescente et sur mes affaires au lycée. Cette phase m’est passée mais je reste une inconditionnelle du tea time avec des scones moelleux à la crème gourmande et à la confiture de fraise ! Mais je m’égare.

Revenons à la légende : mon ancêtre anglaise se nommait Honorine PETREW avec “EW” à la fin. Lorsque j’ai commencé à me pencher sur les recherches généalogiques, je me suis tout de suite tournée vers elle, pour retrouver d’où nous venions en Angleterre.

Petit à petit j’ai retrouvé son acte de mariage en 1868 au Havre, et puis son acte de naissance en 1836. Sauf qu’à chaque fois, elle portait le nom très français de PITROU, O U. J’ai tout d’abord pensé à une francisation du nom. Cela arrive très souvent que lors du passage en France, le nom de famille se retrouve écrit phonétiquement à la française. PETREW aurait donc très bien pu devenir PITROU.

Mais de fil en aiguille, j’ai découvert que le père, le grand-père d’Honorine étaient tous des PITROU ! Ils étaient implantés dans le Calvados, jusqu’à ce que le père d’Honorine vienne s’installer au Havre.

Pas d’anglais en vue, quelle déception !

Pourquoi cette légende ?

Alors oui j’étais très déçue mais tout de suite je me suis demandée “Pourquoi ?”. Qu’est-ce qui a poussé le père de mon grand-père à raconter cette légende sur sa mère ? D’où vient ce mensonge ?

En épluchant la famille d’un peu plus près, je me suis rendue compte qu’Honorine était décédée à l’âge de 36 ans, une semaine après la naissance de son deuxième enfant. Et son premier enfant, le père de mon grand-père, n’avait alors que 2 ans. Les enfants ont donc été élevés sans connaître leur mère, ni leurs grands-parents, déjà décédés plusieurs décennies avant.

C’est donc le mari d’Honorine qui a pu raconter cette histoire à ses enfants. On dit de lui-même qu’il était un sacré personnage. En tout cas, quand j’en discute avec les autres membres de ma famille, on dit que ce n’est pas le père de mon grand-père qui aurait pu inventer une histoire pareille sur sa mère qu’il n’a pas connue.

Pour l’instant, je n’ai pas plus creusé cette recherche. À vrai dire, il y a un imaginaire tellement fort autour de cette légende, que je ne perds pas espoir de rattacher un jour l’histoire de cette famille à l’Angleterre, même si c’est un lien plus professionnel ou amical que familial.

Je vous invite donc à suivre ce conseil : quand pendant vos recherches, vous trouvez des informations qui contestent une légende familiale, reprenez donc vos recherches sous un autre angle pour comprendre d’où cette légende est née. Explorez les circonstances qui ont pu conduire à la naissance et la perpétuation de la légende. Parlez-en également aux membres de votre famille, même si certains refuseront d’accepter vos résultats rationnels de recherche au profit de cet imaginaire auquel ils croient dur comme fer.

Il est important de reconnaître que toutes les légendes familiales ne reposent pas sur des faits historiques vérifiables. Certaines histoires peuvent être basées sur des interprétations erronées, des exagérations innocentes ou même des mensonges délibérés. Dans de tels cas, la généalogie peut révéler la vérité, même si elle est parfois moins spectaculaire que la légende.

Et puis justement, une légende n’est que dans peu de cas totalement fausse, elle a sa part de vérité. Elle a pu être édulcorée au fil du temps mais ce qu’elle transmet est aussi important de comment elle le transmet.

La légende est fausse, que faire ?

Vous avez découvert que la légende était fausse et vous pensez cela va casser la barraque à plusieurs membres de votre famille qui y sont attachés ! Inutile de crier au loup. Personnellement, je pars du principe que la légende même fausse fait partie de l’histoire familiale, parce qu’elle transmet un imaginaire, une vie rêvée, et ça cela fait aussi partie de nos ancêtres. Donc pour moi c’est quand même un héritage à chérir.

Je pense donc qu’il est important d’écrire la légende avec les mots de nos ancêtres et des doyens de la famille, telle qu’elle nous a été transmise à l’oral. Et ensuite, grâce à la généalogie, on la documente et on l’analyse. Ainsi, on retrouve des aspects de l’histoire réelle qui sont tout aussi inspirants ou significatifs pour remplir le vide laissé par la légende.

Lorsque je travaille sur un livre généalogique imprimé, je mets donc les légendes sous forme d’encart, avec leur transcription telle que la famille la raconte, à la façon d’un témoignage. J’y écris ensuite mon analyse de la situation et du contexte.

En fin de compte, la découverte qu’une légende familiale est fausse peut être une opportunité de mieux comprendre et apprécier l’histoire réelle de la famille, tout en préservant les liens familiaux et en honorant l’héritage familial d’une manière authentique et significative.

Et vous, quelles sont vos légendes familiales ?

Est-ce que vous aimez les vérifier au risque de les contredire ou les laisser telle qu’elles avec leur part de mystère et d’exotisme ?

  • Merci pour le partage de votre expérience personnelle. Cet article est très intéressant. Découvrir qu’une légende ne reflète pas la vérité généalogique est sans doute déroutant dans un premier temps mais cela rend aussi la légende d’autant plus intéressante quelque part. Puisqu’il ne s’agit pas de la vérité, il est alors très intéressant, comme vous le soulignez, de comprendre à quelle génération, comment et pourquoi la légende est née. Quel est le fond de vérité qui a été déformé ? Dans quel but ? Passé la déception initiale, découvrir qu’une légende est fausse ouvre finalement la piste à de nombreuses découvertes sur nos ancêtres.

  • Excellent article, merci !
    La légende familiale la plus séduisante est que mon arrière-grand-mère Jeanne (celle de mon récit transgénérationnel « Jeanne l’Alsacienne ») avait servi de modèle à Auguste Bartholdi pour la statue de la liberté. Il est vrai qu’elle était fort belle mais… elle avait 5 ans à l’édification de la statue !
    Je raconte aussi plusieurs « légendes » qui sont plutôt des mensonges ou des bribes de vérité arrangées pour faire passer des drames et des secrets de famille inavouables…
    Il est en effet très intéressant de voir quel est le contexte qui a conduit à la construction et à la transmission du roman familial, et de discerner quel est le fond de vérité qu’il cache.

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